• Le choc blond


    Les blondes, le nuage de crème délayant mon café noir, adoucissant et perturbant l'opacité de la faune brune des Chinois. Je ne sais pas si c'est agréable, chaque fois trop choquant. Mes propres repères sinisés bouleversés. Je comprends les regards avides de curiosité : incroyable du blond, vite que je m'en repaisse la rétine. Que j'inscrive cette possibilité dans mes neurones, ma mémoire visuelle. Et puis, blondeur s'accompagne d'autres lignes, d'autres yeux, d'autres nuances, d'autre s mariages. Des yeux souvent bleus. Des joues rebondies, une peau plus claire. Un sourire différent. Tout est changé. Tout est heurté. C'est surtout l'expressivité de ces visages qui m'indispose presque. Des visages plus nus du fait de leur clarté. Oui, plus nus, plus trahissants/traitres. Passant trop facilement dans les extrémités du rire ou des larmes, contre le masque si maîtrisé des asiatiques. La fenêtre étroitement découpée de leur yeux. Les lèvres paisibles, sereines.. Rarement émues par la joie ou le chagrin. En tout cas, bien sûr, jamais en public, 面子 oblige.



    Au début, chaque fois que je croisai une étrangère, elle était d'une blondeur rare en France + hyper clarté des yeux. Tain, ben elles font pas semblant d'être étrangère les filles ! Ça me faisait rire... A croire qu'elles le faisaient exprès. Avec des couleurs pareilles, on les repère à deux cent mètres !



    Alors il faut bien me rendre compte que j'instille le même choc dans le paysage que ces femmes. Avec mes cheveux teintés au henné, mes yeux verts et ma peau d'une pâleur slave, impossible de la jouer en mode mineur. Et puis, quant à l'expressivité de mon visage... Certains de mes étudiants doivent se demander si j'ai toute ma tête, si je suis vraiment équilibrée. Parfois mes yeux brillent tellement qu'on s'inquiètent de savoir pourquoi je pleure... j'ai beau leur expliquer 'mais non, le vent, la fatigue', me croient pas...


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  • Et puis il y a l'écriture....

     

     

    Entraînement écriture sinogrammesLes caractères chinois constituent une autre langue, bien à part, presque parfaitement détachée de la langue orale... Du dessin, du croquis de haute couture !!! C'est infernal. Mais à force de m'y astreindre, je remarque le nécessaire engagement de tout le corps, le nécessaire calme de l'esprit.
    Quand les lignes résistent...
    Cette résorption de l'équilibre, cette harmonie qui se refuse indiquent sans détour un mental brouillon, brouillé... La page me tend un miroir sans concession. Et là, LA, je comprends. Je comprends l'esprit du Gong Fu... Comme le Bagua, la calligraphie est un art d'office, exigeant d'emblée une propension à la méditation, à l'extrême patience. Au retour sur soi. A la perte dans le grand tout. Les arts asiatiques exigent la dissolution de l'ego.







    Mais le plus souvent, je perds patience...




    Quand toutes les lignes de ces caractères que je ne comprends pas tissent la toile d'une prison sémantique
    Quand les caractères me barrent le sens, quand les barreaux de ces caractères hermétiques se liguent contre moi et ligotent mon cerveau

    Quand le monde qu'ils désignent me fuit entre les neurones

    Quand je donne vainement de la voix à cette écriture muette, noire, figée - butée dans son mystère

    Quand les portes du sens ne veulent pas s'ouvrir, quand je ne sais même pas où se trouve la première marche, le premier défi.

    Chaque jour je cherche le corps à corps, chaque jour je ne trouve qu'une langue abstraite, une langue fantôme, qui se dérobe, se refuse, corps farouche d'une femme difficile.



    La danse n'a pas encore eu lieu.

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  • Ou comment faire germer en soi une langue dont on a pas les graines... Comment en créer les racines, par quel biais tisser une familiarité avec l'autre... Ben y a pas mille moyens : l'immersion.



    '慢慢说'
    Sont gentils les chinois, z'ont l'air de comprendre notre douleur... Combien de fois aurais-je entendu dire cette phrase 'Peu à peu, tu parleras' ? Bref, une invitation collective à la patience et à la régularité... C'est vraiment engrammé dans leur esprit ! Et j'en prends de la graine. Tous les jours un peu. Se perdre dans l'autre, ne rien comprendre, accepter d'être ridicule, d'être incompris, de rien piger, d'exiger connement à son insu du 'soja, merde' au lieu de demander un inoffensif et courtois 'soja grillé'... Pfff, c'est marrant d'avoir l'air con.

    Donc, pas d'autre solution que l'immersion totale. Tous les étrangers baragouinant le chinois avec panache l'affirment. Le best : se trouver un mec de l'autre bord, de cet autre monde, là, dans lequel on a l'air de vivre mais dont on ne crève en fait jamais la surface, faute de communication. On en reste à des mines, des attitudes, 'Tiens c'ui-là a pas l'air content, i gueule'. M'enfin, le pourcentage d'erreur de cette méthode est très élevé : plus d'une fois, j'ai eu envie de mettre ma main dans la figure d'une vilaine grosse chinoise qui me gueulait dessus jusqu'à ce que je comprenne qu'en fait, elle essayait de m'aider, et sans que je lui demande rien en plus !

    Pfff, à ranger dans le dossier 'CHOC CULTUREL'.

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  • Food Welfare

    Prototype de mes premiers repas.

    Je ne mange que ce que j'identifie. Tofu arrosé de sauce soja, feuille de chou chinois enrobée de verdure, décoction de pâquerettes. Si je risque de mourir d'un truc, c'est juste de faim. :/


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